Le
courage d'expérimenter tel qu'il se manifeste précisément de façon si
exemplaire dans les audacieuses combinaisons d'accords de Gesualdo a toujours
caractérisé la vie culturelle au Montserrat.
Le
plus ancien manuscrit conservé dans les archives du sanctuaire bénédictin
situé sur ce massif montagneux de ta Catalogne, le " Llibre Vermell "
avec ses pièces à deux et à trois voix datant des XIlI et XIV s. témoigne
déjà d'une ouverture d'esprit vis-à-vis des innovations qui ne laisse
pas d'étonner même rétrospectivement.
En
effet cet important document des premiers temps de la polyphonie européenne
contient entre autres cinq danses religieuses avec des indications chorégraphiques
détaillées et l'autorisation explicitement donnée aux pèlerins non seulement
de prier et de chanter pendant Ia veillée mais également de danser. 500
ans plus tard Antonio Soler (comme Fernando Sors lui aussi
ancien élève de l'Escolania) objecta à des critiques reprochant le modernisme
exagéré de sa composition
" Llave de la Modulacián " qu'il avait appris toutes ces nouveautés controversées
au Montserrat alors qu'il était encore enfant.
On
pourrait naturellement relever bien d'autres indices de cosmopolitisme
et de progressisme artistique sur cet imposant massif rocheux près de
Barcelone.
Contentons-nous
de rappeler que ce sont surtout les très grands innovateurs qui font partie
du cercle d'amis du sanctuaire ; par exemple Picasso et Miré,
ou également Pablo Casals qui, à propos de Montserrat, parle
d'un des liens les plus solides de sa vie pour faire ensuite la recommandation
suivante : " Tout musicien devrait connaître le nom de Montserrat, car
Montserrat est partie intégrante de l'héritage d'un passé sans lequel
notre culture actuelle ne saurait exister. "
L'Escolania
(école de musique) de Montserrat avec sa chorale de jeunes garçons mentionnée
dès le XIII' s. mais dont l'existence remonte certainement plus loin,
peut sans aucun doute être considérée comme la partie la plus brillante
de l'héritage, comme la plus importante des institutions artistiques de
ce sanctuaire.
Selon des témoignages de l'époque, les 20 jeunes chanteurs de la chorale
jouissaient déjà à la fin du XV s. d'une telle popularité que les croyants
qui rencontraient par hasard un escolán lui faisaient l'aumône en le priant
de chanter les louanges de la Sainte Vierge.
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